Quantcast
Channel: Nouvelles du Caire » President
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Egypte: Morsi agace les révolutionnaires et même le parti du canapé

$
0
0

Au Caire et dans d’autres grandes villes d’Egypte, plusieurs dizaines ou centaines de milliers de manifestants ont exprimé ce mardi 4 décembre leur opposition au président de la République Mohamed Morsi. L’Egypte qui fait des cauchemars à l’idée d’être dirigée par une Constitution faite par et pour des Frères musulmans est dans la rue. Cette Egypte comprend aussi bien les révolutionnaires et opposants à Moubarak de la première heure (moins les Frères musulmans évidemment) que des sympathisants de Moubarak, qui lui reconnaissaient au moins le mérite de maintenir le calme dans leurs banlieues huppées et de tenir à distance les partis d’islam politique.

Le fait nouveau est l’arrivée en masse dans la rue de ceux qui se désignent eux-mêmes comme le « parti du canapé », autrement dit tous ces gens qui sympathisaient peut-être avec les révolutionnaires, mais qui ne sortaient pas manifester.

Mohamed Morsi, le président Frère musulman, a réussi à réunir des sensibilités politiques très diverses contre lui et ses décisions récentes, c’est-à-dire s’octroyer davantage de pouvoirs -  seulement pour mener à bien la transition, dit-il, et hâter l’adoption de la Constitution – le référendum est prévu pour le 15 décembre .

Aujourd’hui, sur la place Tahrir (au centre du Caire) et devant le palais présidentiel (à Héliopolis, c’est-à-dire dans l’une de ces périphéries plus huppées du Caire), certains réclamaient seulement l’annulation des dernières décisions du président et la reprise de la rédaction de la Constitution avec une véritable participation des libéraux et des révolutionnaires.

D’autres réclamaient sans vergogne la démission du président.

Tous faisaient savoir leur méfiance envers les Frères musulmans.

Une partie des manifestants est allée à Tahrir, parce qu’un sit-in y était déjà en place depuis une semaine, une autre a participé aux marches qui sont arrivées dans la  soirée au palais présidentiel. La police avait sécurisé les abords du palais le matin même, mais lorsque la foule at fait pression sur les barrières, après quelques lancers de gaz lacrymogène, les forces de sécurité sont parties. Au soir, alors que le porte-parole du président avait finalement renoncé à s’exprimer, il restait encore plusieurs milliers de personnes devant le palais présidentiel et à Tahrir, certains dans les fameuses tentes qui rappellent les heures glorieuses de la révolution.

La vidéo suivante montre les affrontements qui ont précédé la disparition de la police et le retour au calme devant le palais présidentiel à Héliopolis mardi soir:

 

 

 

Grande participation

 

place Tahrir, mardi après-midi

L’atmosphère bon enfant qui régnait aujourd’hui rappelait elle aussi les hautes heures de la révolution: étaient présents en nombre femmes, enfants, beaucoup de libéraux, de gens bien mis et de personnes d’un certain âge (ils avaient disparu de toutes les manifestations où les adolescents et jeunes hommes cherchaient la bagarre avec les forces de l’ordre), croyants pratiquants (et dont le costume l’indique), cheikhs de Al-Azhar (l’institution musulmane égyptienne pourtant chargée par la Constitution d’expliquer la charia – mais pendant la révolution aussi, beaucoup de cheikhs d’Al Azhar étaient aux côtés des manifestants). Selon les organisateurs, on avoisinait plusieurs millions, selon les Frères musulmans, leurs opposants n’étaient que deux mille!

Demandes plus ou moins radicales

Certains reprennent les slogans du soulèvement de janvier-février 2011:

Morsi et les Frères musulmans sont « pourris », « c’est à lui de partir, nous ne partirons pas », « dégage », etc.

Mais ces demandes ne font pas l’unanimité. Par contre tout le monde est d’accord pour dire « non au règne du murshid – le guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie ».
Le Front de Salut a trois demandes: l’abrogation du décret qui augmente les pouvoirs du président, l’annulation du projet actuel de Constitution et la formation d’une nouvelle Assemblée constituante.
Ce front est formé par deux des principaux candidats malheureux à la présidentielle, Hamdeen Sabahi et Amr Moussa, deux figures plus ou moins d’opposition de l’ère Moubarak, et par Mohamed el-Baradei, qui ne s’est pas présenté à la présidentielle mais qui reste le symbole de la jeunesse éduquée et tournée vers l’extérieur (sa notoriété et sa vie à l’étranger lui sont d’ailleurs reprochées).

Inquiètent des articles, pas forcément nouveaux d’ailleurs, concernant la charia (comme dans la Constitution précédente, de 1971, les principes de la charia sont la principale source de la législation), ou donnant au président le pouvoir de nommer les dirigeants de toutes les institutions, ou autorisant le jugement des civils devant des tribunaux militaires ou ne prévoyant pas de réel contrôle du budget de l’armée. Ou encore ceux présentant une menace pour la liberté d’expression, comme ceux expliquant que les valeurs morales, religieuses et traditionnelles sont promues par l’Etat et respectées par les citoyens. L’absence de spécification des droits des femmes et de l’âge minimum du mariage font aussi grincer des dents.

manifestant devant le palais présidentiel mardi soir

« Presque tout est mauvais dans ce projet de Constitution, le jugement de civils devant des tribunaux militaires, pas assez de contrôle du pouvoir exécutif, pas de contrôle du budget de l’armée… Et la déclaration constitutionnelle approuvée par le référendum de mars indiquait qu’il fallait au moins un mois entre la fin de la rédaction du projet de la Constitution et le référendum, afin qu’il y ait au moins deux semaines de concertation avec les autres partis politiques. Où sont ces concertations? Et le projet a été rédigé vers la fin, et voté, par une assemblée constituante dont avaient démissionné, en signe de protestation, la plupart des libéraux, pro-révolution et défenseurs des droits de l’homme! »

Ce jeune ingénieur qui participe au sit-in devant le palais présidentiel explique qu’il était dans l’opposition sous Moubarak, qu’il a participé au soulèvement de début 2011 et aux manifestations de tous ces derniers mois. Il dit qu’il ne réclame pas la démission du président car il respecte sa légitimité issue des urnes, mais qu’il refuse l’allégeance du chef de l’Etat au parti des Frères musulmans, et plus que tout il refuse les pouvoirs qu’il s’est accordés et la Constitution proposée. Il avait boycotté le deuxième tour de la présidentielle, ne sachant se décider entre un ex-Premier ministre de Moubarak et un Frère musulman.

Comme ce jeune homme, d’autres révolutionnaires de toujours ou des heures plus récentes donnaient aux rassemblements sa caution « non-felool » (felool: restes du régime Moubarak). La rhétorique des Frères musulmans consiste en effet à se présenter en défenseurs de la révolution. Ils décrivent les manifestants qui s’opposent à eux comme des soutiens du régime de Moubarak qui, profitant de la naïveté de quelques révolutionnaires,  essaient de faire tomber un régime choisi par le peuple pour ré-instaurer une dictature.

Certains manifestants ne font rien pour arranger cette impression:
Une manifestante bien mise devant le palais présidentiel explique pourquoi Morsi lui fait encore plus peur que Moubarak.

 

Parti du canapé

Cet homme tient un canapé en tissu pour faire savoir que lui aussi va exprimer son opinion politique dans la rue pour la première fois... Pour lui l'Egypte silencieuse se mobilise contre les velléités de dictature des Frères. Le Caire, Tahrir, mardi après-midi.

Et bien sûr on ne peut manquer ce mardi de noter la présence du fameux « parti du canapé ». Telle cette femme au foyer de quarante ans, musulmane voilée, vivant à Imbaba (quartier très populaire du Caire), qui déclare en riant:

« C’est le parti du canapé, les gens qui sont restés chez eux tout ce temps, qui est dans la rue aujourd’hui. Pendant la révolution je n’ai rien fait, aux élections je ne suis pas allée voter… Mais nous sommes le peuple. Et nous ne voulons pas du règne des Frères musulmans. Nous ne voulons pas être dirigés par un parti partisan mais par quelqu’un qui nous prend tous en considération. »

 

Tahrir, mardi après-midi.

« Des gens sont morts pour qu’on en arrive là? Pour qu’on ait un nouveau dictateur? », demande cette autre femme au foyer de quarante-cinq ans, non voilée, à la diction beaucoup plus élégante que sa consœur. Elle a déjà participé à des actions politiques, mais plutôt pour les droits des femmes. « Les paysans, les cheikhs d’Al-Azhar, personne n’est content de cette Constitution. Elle donne beaucoup trop d’importance à la religion et aux traditions dans l’éducation et pour entraver la liberté d’expression. On dirait bien que les Frères ne veulent rien améliorer, ils veulent continuer comme Moubarak. La révolution était pour tous, riches et pauvres, religieux et libéraux. On veut vivre ensemble. Et eux, qu’est-ce qu’ils disent, ils nous traitent d’infidèles, qui sont-ils pour dire ça, Dieu?

On restera sur la place Tahrir jusqu’à ce que ce projet de Constitution soit retiré. Si ça n’arrive pas, on risque une grande division et de voir l’armée reprendre le pouvoir… ce serait catastrophique. »

 

Ecoutez ici le son des manifestations à Tahrir et devant le palais présidentiel le 4 décembre


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Latest Images





Latest Images